O Superman
Laurie Anderson est devenue mondialement célèbre en 1981 lorsqu'elle a connu le succès avec O Superman, une chanson de son album Big Science. Celle-ci a rapidement atteint la deuxième place au hit-parade britannique. Mais elle avait déjà créé des musiques ou des performances tout aussi intéressantes sur la scène new-yorkaise. Duets on Ice, où elle jouait du violon sur des patins à glace jusqu'à ce que la glace soit complètement fondue, en est un parfait exemple. Avec O Superman, Anderson est parvenue à jeter un pont avant-gardiste vers un public plus large. Une démarche qui ne lui vaut pas toujours les remerciements de ses collègues, mais elle ne se laisse pas abattre pour autant, puisqu'elle signe un contrat de sept albums avec Warner Classics. Raconter des histoires pour un large public a toujours été son ambition.
« L'une de mes tâches en tant qu'artiste est d'établir un contact avec le public, et ce contact doit être immédiat. Ils ne reviennent pas plus tard pour regarder les détails de second ordre. »
Une pionnière du son
Laurie Anderson a écrit beaucoup de musique pour une grande variété de projets. Elle puise abondamment dans l'avant-garde new-yorkaise en s'inspirant de la musique minimaliste de son ami Philip Glass ou des expériences du révolutionnaire John Cage. Ses compositions singulières lui ont valu de collaborer avec des cinéastes tels que Wim Wenders et Jonathan Demme, mais elle a également composé pour des chorégraphies de Bill T. Jones et Trisha Brown. L'une de ses compositions les plus importantes est Songs for Amelia Earhart, une œuvre orchestrale dédiée à la pilote américaine qui a mystérieusement disparu alors qu’elle tentait de faire le tour du monde en 1937. En s'inspirant de ses journaux intimes et de messages radiophoniques, Anderson a créé une composition qui associe la technologie, sa propre voix et la musique minimaliste dans un mix intrigant. Dans son travail musical, elle explore constamment de nouveaux univers sonores et de nouvelles sonorités, en utilisant l'électronique, des objets du quotidien ou des instruments qu’elle a créés.
La folie des quatre cordes
Quand on évoque la carrière d'Anderson, on ne peut passer à côté de son violon. Laurie et l'instrument à quatre cordes sont inséparables. Elle a commencé à jouer à un très jeune âge et a même été membre du Chicago Youth Symphony pendant un certain temps. Dans ses performances, l'instrument intervient régulièrement à différentes fins. Tout comme John Cage qui, avec son piano préparé, manipulait les sons en plaçant des morceaux de papier, de métal ou de caoutchouc entre les cordes, Anderson a cherché des alternatives. Elle a elle-même créé certains violons comme le Neonviolin, un spécimen fait de néons, qui produit des sons perçants, ou la Ventriloquist Puppet with Violin, une marionnette à main qui ressemble beaucoup à l'artiste et qui, contrôlée par la main d'Anderson, joue d’un violon Suzuki.
« Pour moi, le violon est le parfait alter ego. C'est l'instrument le plus proche de la voix humaine, de la voix humaine féminine. C'est une sirène. »
Son Tape Bow Violin constitue sans doute son exemplaire le plus célèbre. Sur l'archet, elle a tendu une bande magnétique enregistrée à la place du crin et sur le pont, elle a placé un lecteur de bande magnétique. En déplaçant l'archet sur le lecteur, elle peut jouer le son enregistré sur la bande, en avant et en arrière. Cela crée des sons très étranges qu'elle peut manipuler à sa guise en fonction des mouvements de son archet.
Des images qui aboient
Bien que Laurie Anderson soit surtout connue pour ses performances musicales, elle a également réalisé de nombreux projets dans le domaine des arts visuels. Ici aussi, elle rompt toujours avec le canevas classique : performance, installation, son, vidéo - tout s'emboîte. Vous avez déjà pu voir ses œuvres dans de grands musées comme le musée Guggenheim à New York et le Centre Pompidou à Paris. En 2008, le MoMa acquérait encore son Self-playing Violin.
En 2011, Laurie Anderson est, selon ses dires, sortie de sa zone de confort avec l'exposition Forty-Nine Days In the Bardo, où elle est revenue à des matériaux tels que la craie, le charbon de bois, la boue, l'argile et le papier. Dans une série de dessins géants au fusain de sa chienne décédée Lolabelle, Anderson, bouddhiste pratiquante, imagine l'expérience de sa chienne dans le Bardo, la période de 49 jours qui précède la réincarnation. Et son instrument préféré réapparaît également : Anderson a mélangé les cendres de Lolabelle avec de la boue et de l'argile pour fabriquer un violon emblématique.
Sa fidèle compagne à quatre pattes joue également un rôle de premier plan dans la carrière cinématographique d'Anderson. En 2015, elle a réalisé Heart of a Dog (2015). La mort de Lolabelle a amené Anderson à réfléchir - comme dans le Bardo – à la signification de la perte : de son chien, de l'Amérique de l'après-11 septembre, de son compagnon Lou Reed… Dans Home of the Brave (1986), Anderson se tourne à nouveau vers la musique. Le résultat est un ciné-concert scintillant basé en grande partie sur la tournée de son album Mister Heartbreak.
Tech tech tech-Laurie-gy
Cela vous étonne-t-il encore que la technologie et l'innovation occupent une place importante dans l'œuvre d'Anderson ? L’artiste est connue à juste titre pour être l'une des pionnières de la musique électronique, car elle ne cesse d'inventer de nouvelles façons de manier les instruments électroniques comme le synthétiseur ou le violon. Ces dernières années, elle a développé une fascination pour la réalité virtuelle et l'intelligence artificielle. Elle voit des parallèles entre les idées créatives et l'utilisation de l'IA, car les deux peuvent être très libres et imprévisibles. Ainsi, lors de la performance avec le violoncelliste Ruben Kodheli, elle envisage l'IA non pas comme une machine, mais comme un troisième partenaire.
« L'une de mes citations préférées à propos de la technologie vient de mon professeur de méditation : “Si vous pensez que la technologie va résoudre vos problèmes, vous ne comprenez pas la technologie - et vous ne comprenez pas vos problèmes”. Quand les gens disent que le but de l'art est de rendre le monde meilleur, je pense toujours : meilleur pour qui ? L'art n'est pas la médecine ou la science. Son but n'est pas de résoudre des problèmes de manière créative. Si je devais utiliser un seul mot pour décrire l'art, ce serait liberté. Je suis curieuse de savoir si cette liberté peut être transposée ou facilitée par l'IA de manière significative. »
Anderson a été la toute première artiste en résidence de l'agence spatiale américaine NASA, une passion pour l’espace qui transparaît également dans son travail de RV. Dans le cadre du 50e anniversaire célébrant les premiers pas de l’homme sur la lune, elle a créé avec l'artiste multimédia Hsin-Chien Huang, l'installation immersive To The Moon, qui vous emmène sur la lune et au-delà !