Cette année, Bozar a invité la Kapelica Gallery for Contemporary Investigative Arts de Ljubljana (Slovénie) à soutenir l’exposition STARTS Prize, l’un des principaux événements européens à la croisée entre art, science et technologie. Depuis quelques années déjà, la Slovénie fait partie des pionniers dans le développement de l’IA.
Cette édition a pour thème général la « résilience créative », à savoir comment la collaboration entre les arts, la science et la technologie nous permet de répondre aux défis sociétaux. La résilience créative s’attaque à des problématiques telles que le changement climatique, les biais technologiques, la vie artificielle ou encore notre future relation avec la nature à l’aide d’outils artistiques et d’une bonne dose de créativité. Nous nous sommes entretenus avec Jurij Krpan qui nous parle de l’exposition et des artistes slovènes qu’il a invités à Bruxelles.
Bonjour Jurij. Pouvez-vous présenter la Kapelica Gallery et votre travail à nos lecteurs belges et internationaux ?
Je travaille à la Kapelica Gallery[1] depuis sa création en 1995. Ces dix dernières années, nous avons élargi nos activités et fondé des laboratoires qui soutiennent les recherches et productions artistiques et où collaborent des scientifiques et des artistes. La galerie est l’une des principales plateformes pour la recherche sur l’art contemporain en Slovénie et son travail s’articule autour de quatre grands axes : installations et projets ad hoc, la technologie via l’art, la science via l’art et la corporéité via l’art.
Quels sont les thèmes abordés par le volet slovène pour l’exposition STARTS Prize à Bozar ?
Nous présenterons quatre œuvres de quatre artistes différents, qui travaillent sur l’intelligence artificielle, mais aussi sur la vie artificielle. Je pense que c’est ce qui différencie vraiment la Kapelica des autres institutions. Quoi que nous fassions, nous tentons toujours de créer des liens avec les humains, le corps et les organismes vivants, parce que nous pensons que c’est la seule manière de transcender l’approche rationnelle sur laquelle la science et d’autres activités reposent. Nous vivons aujourd’hui dans une réalité croisée, dans laquelle nos corps de données jouent un rôle très important dans l’espace numérique et nos corps physiques jouent un rôle similaire dans le monde réel. C’est pourquoi nous parlons de « systèmes hybrides ».
Pouvez-vous nous présenter ces quatre artistes ?
Špela Petrič est principalement active dans le domaine de l’intercognition plante-homme. Il y a ensuite Marko Peljhan, qui se penche sur l’utilisation des technologies de pointe dans le secteur militaire. Il étudie comment utiliser l’intelligence artificielle et les agents artificiels dans les stratégies et tactiques militaires. Le troisième projet est celui d’Eva Smrekar et Aljaž Rudolf, qui travaillent sur une identité hybride, dans laquelle l’IA est combinée à du matériel génétique et à des données extraites de matériel génétique transmis à une identité chimérique.
Et le quatrième artiste est Zoran Srdić Janežič. Pouvez-vous nous en dire plus sur son projet et sa performance lors de la soirée d’ouverture de l’exposition ?
Dans son œuvre, baptisée Biobot, Zoran tente de créer un organisme bionique qui allie des éléments mécatroniques avec des éléments biologiques. Environ trois semaines avant le début de l’exposition, un laboratoire temporaire sera installé à Bozar. Le travail avec des organismes vivants nécessite une approche très spéciale, notamment en raison du temps nécessaire pour cultiver ces organismes. Ici, ce sont des neurones qui seront cultivés. Un biotechnicien surveillera les neurones vivants tout au long du projet. L’œuvre d’art n’est toutefois pas cette culture de neurones, mais une performance dans laquelle Zoran essayera d’apprendre à un robot à bouger à l’aide des neurones et d’un algorithme d’apprentissage profond.
Comment l’interaction entre l’IA et les arts alimente-t-elle l’actuel débat sur l’IA et l’ouvre-t-elle à un public plus large via les institutions artistiques et culturelles ?
Le point de départ de toutes ces œuvres est l’IA, qui est en train de s’insinuer dans nos vies à tous les niveaux. Cependant, l’IA souffre de la même maladie que toutes les nouvelles technologies. Elle fait l’objet d’une grande mystification et certains de ses usages très simples sont souvent discutables sur le plan éthique. Mais du point de vue de l’artiste, le travail avec l’IA présente un potentiel intéressant. Donc, en général, il ne s’agit pas d’utiliser l’IA, mais d’en faire une œuvre d’art.
[1] Kapelica est le nom de la galerie, elle fait partie du Kersnikova Institute.