OPRL, Gonzalez-Granados & Ferrández
20 Jan.'24
- 20:00
Henry Le Boeuf Hall
Jean-Luc Fafchamps (° 1960)
Soleils brûlants (Lettre soufie : Sâd) (12')
(2023, creation mondiale, co-commande Bozar-OPRL)
Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto pour violoncelle n° 1 en do majeur, Hob. VIIb. 1 (vers 1762-1765) (25’)
- Moderato
- Adagio
- Finale (Allegro molto)
Pause
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 7 en ré mineur, op. 70 (1884-1885) (35’)
- Allegro maestoso
- Poco adagio
- Scherzo (Vivace)
- Allegro
En partenariat avec uFund
Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique
Soleils brûlants (Lettre soufie : Sâd)
Depuis l’an 2000, je passe une bonne partie de mon temps à écrire des Lettres soufies, alors que je ne suis ni soufi*, ni même musulman, et que je ne parle guère l’arabe… En réalité, ces Lettres ne sont pas seulement des missives adressées au « lecteur » attentif, ce sont aussi, et surtout, des exercices de calligraphie, des symboles alphabétiques. Elles s’inspirent d’un tableau soufi reliant un vaste système d’interrelations symboliques aux 28 lettres de l’alphabet arabe : une somme méthodique de la pensée métaphorique et mystique dressée à des fins incantatoires, que j’utilise comme détonateur poétique, un peu comme s’il s’agissait d’oracles ouverts comme ceux du jeu de cartes Stratégies obliques (1975), conçu par Brian Eno et Peter Schmidt.
Soleils brûlants est la 23e pièce du cycle des Lettres soufies entamé en 2000. Ces compositions pour diverses formations se répondent mutuellement en partageant du matériau, des rapports de structure, des techniques d’écriture. En l’occurrence, Soleils brûlants est entièrement construit sur une suite d’accords parfaits mineurs exposée à la fin de …pour moi dans le silence… (Lettre Soufie : Shîn), composé pour l’ensemble Spectra en 2009. Soleils brûlants est élaboré comme une série de portraits, une galerie de sourires taillés dans la même chair, mais au caractère versatile : glamour, gourmand, narquois, mondain, tragique… Mais par dessous tout, en filigrane, toujours mélancolique. Ainsi la solitude, où chaque regard, chaque sourire croisé, aussi ensoleillé soit-il, vous brûle jusqu’à la corde.
* Adepte du soufisme, mouvement spirituel, mystique et ascétique de l’islam, apparu au VIIIe siècle.
Jean-Luc Fafchamps
Concerto pour violoncelle n° 1
En 1766, à la mort de Gregorius Werner, maître de chapelle du prince Esterházy, Haydn (34 ans) reprend la direction de toute la musique du prince, non seulement la musique profane (comme c’était le cas depuis 1761), mais aussi la musique d’église. Dans les années 1760, Haydn compose de nombreux concertos pour permettre aux virtuoses de son orchestre de faire étalage de leur talent devant le prince. Les catalogues thématiques que Haydn dressa (ou fit dresser) mentionnent notamment un concerto pour flûte, un pour cor, un pour violon et un pour contrebasse, ainsi qu’un concerto pour deux cors, malheureusement perdus.
De Haydn, on conserve deux concertos pour violoncelle authentifiés. Redécouvert en 1961 dans le fonds Radenin du Musée National de Prague, par le musicologue tchèque Oldrich Pulkert, le Concerto pour violoncelle n° 1 en do majeur s’est immédiatement imposé au répertoire pour violoncelle. L’œuvre, qui s’adresse à un orchestre à cordes, rehaussé de deux hautbois et deux cors, comporte trois mouvements. Tandis que le Moderato initial prend l’apparence d’une marche, aux rythmes saccadés et à l’atmosphère solennelle, l’Adagio central, réservé aux cordes seules, évolue dans des teintes plus sombres et lyriques. Quant au Finale (Allegro molto), il tranche par une ardeur et un élan prodigieux. Le soliste y brille de mille feux.
Pour le violoncelliste néerlandais Anner Bylsma (1934-2019), il ne faisait aucun doute que Haydn avait mis à profit l’expérience de virtuoses comme Joseph Weigl (1740-1820), en poste à Esterházy, de 1761 à 1769. Selon lui, le dernier mouvement du Concerto pour violoncelle n° 1 serait tout bonnement impossible à exécuter sans l’apport de la nouvelle technique dite « du pouce », permettant de monter et de descendre rapidement sur une même corde avec vélocité. Il imagine ainsi comment l’un des violoncellistes d’Esterházy aurait pu expliquer à Haydn cette nouvelle technique : « Voyez-vous, Monsieur Haydn, si je place mon pouce [gauche] latéralement sur la touche [pièce d’ébène placée sous les cordes], j’arrive à couvrir plus de deux octaves sur [chacune des] quatre cordes, et ceci […] dans n’importe quel registre et à n’importe quelle vitesse. »
Éric Mairlot
Symphonie n° 7
La Septième Symphonie de Dvořák est le fruit d’une commande de la Royal Philharmonic Society de Londres, faisant suite à un premier voyage du compositeur en Angleterre, en 1884. Composée en l’espace de quatre mois, de décembre 1884 à mars 1885, l’œuvre est créée le 22 avril de la même année au St. James’s Hall de Londres, sous la direction du compositeur. Elle est écrite pendant une période de doute artistique.
Depuis le début des années 1880, Dvořák souhaite composer une symphonie qui s’impose à l’échelle internationale et qui soit un cinglant démenti à ceux qui ne voient en lui qu’un aimable folkloriste de Bohême, dans la lignée d’un Smetana. La création de la Troisième Symphonie de Brahms, à Vienne, en décembre 1883, suscite chez lui une véritable émulation : Dvořák souhaite montrer qu’il est l’égal de son aîné. Depuis 1874, les deux compositeurs entretiennent de profonds liens d’amitié. Brahms a très largement encouragé Dvořák : il le présente à l’éditeur Simrock, qui, séduit par les symphonies du Tchèque, assurera leur diffusion auprès d’un large public. C’est aussi grâce à Brahms que Vienne fait appel à Dvořák. Cette sollicitation internationale, tant de la part de Vienne que de Londres, conditionne la maturation de la Septième Symphonie, pensée comme une œuvre de musique pure calquée directement sur le modèle des symphonies de Brahms. Dvořák en retient la densité contrapuntique, l’orchestration étoffée, les rythmes nerveux et les mélodies sombres, répétées avec frénésie.
D’une saisissante gravité, l’Allegro maestoso initial débute aux contrebasses et aux violoncelles par l’une des phrases les plus austères de Dvořák. Passée cette introduction, une formidable énergie se libère bientôt en un thème vif et poétique très brahmsien. Après plusieurs sections traitées dans un style épique, l’austérité primitive referme le mouvement dans une désolation qui rejoint le silence.
Page maîtresse de toute l’œuvre du compositeur, le Poco adagio est un exemple de concision et d’efficacité. Le magnifique choral des bois qui ouvre ce mouvement lent témoigne de la foi du compositeur. Les violons chantent alors une mélodie plus suave bientôt assombrie par une orchestration cuivrée et des harmonies proches du Tristan de Wagner. À la fin, le choral fait un retour apaisé, quasi pastoral.
Le Scherzo (Vivace) renoue avec une sensibilité plus slave. Un rythme de danse et une mélodie populaire tchèques en sont les bases. Un parfum de tragédie plane pourtant dans les brusques chutes des cordes. Dans la partie centrale, très expressive, Dvořák met en place un admirable dialogue entre les divers groupes d’instruments.
L’ambiance s’assombrit de nouveau dans les premières notes de l’Allegro final, mais une marche parvient petit à petit à dissiper ce climat pesant. Tantôt d’essence beethovénienne, tantôt d’influence slave et même tzigane, la musique progresse vers la pleine lumière. La marche conclut la symphonie dans un style héroïque et grandiose.
Jean-Marc Onkelinx
Lina González-Granados
Direction musicale
La cheffe américaine d’origine colombienne Lina González-Granados a étudié la direction d’orchestre et la direction de chœur au New England Conservatory et à l’Université de Boston. Ses principaux mentors sont Riccardo Muti, Marin Alsop, Bernard Haitink, Bramwell Tovey et Yannick Nézet-Séguin. Premier Prix du Concours de direction Sir Georg Solti du Chicago Symphony Orchestra, elle a été nommée chef d’orchestre en résidence de l’Opéra de Los Angeles (jusqu’en juin 2025). Elle a également occupé des postes de chef d’orchestre à l’Orchestre de Philadelphie et à l’Orchestre Symphonique de Seattle. Troisième Prix ECHO (European Concert Hall Organisation), elle dirige la plupart des grands orchestres américains et européens.
Pablo Ferrández
Violoncelle
Né à Madrid en 1991, Pablo Ferrández étudie le violoncelle avec Natalia Shakhovskaya à Madrid et avec Frans Helmerson à l’Académie de Kronberg. Lauréat du Concours Tchaïkovski de Moscou (2015), artiste exclusif de Sony Classical et boursier de la Fondation Anne-Sophie Mutter, il a enregistré l’album Reflections (2021, Opus Klassik Award) et le Double Concerto de Brahms (avec Anne-Sophie Mutter, la Philharmonie tchèque et Manfred Honeck). Il est l’hôte de la plupart des grands orchestres européens et américains. En 2023-2024, il fait notamment ses débuts avec les orchestres de Boston, San Francisco, Pittsburgh et Seattle. Il joue sur le Stradivarius « Archinto » (1689), généreusement prêté à vie par un membre de la Stretton Society.
Orchestre Philharmonique Royal de Liège
Créé en 1960, l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège (OPRL) est la seule formation symphonique professionnelle de la Belgique francophone. Soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Ville de Liège et la Province de Liège, il se produit à Liège, dans le cadre prestigieux de la Salle Philharmonique (1887), dans toute la Belgique et dans les grandes salles et festivals européens. Sous l’impulsion de son fondateur Fernand Quinet et de ses Directeurs musicaux Manuel Rosenthal, Paul Strauss, Pierre Bartholomée, Louis Langrée, Pascal Rophé, François-Xavier Roth, Christian Arming et Gergely Madaras (depuis 2019), l’OPRL s’est forgé une identité sonore au carrefour des traditions germanique et française.
Jean-Luc Fafchamps
Compositeur
Né à Bruxelles, en 1960, Jean-Luc Fafchamps est pianiste et compositeur. Il a étudié au Conservatoire royal de Mons et à l’UCLouvain (Sciences économiques). Il est membre fondateur de l’Ensemble Ictus, avec lequel il a pris part à de nombreuses créations. Son travail de composition a été salué par la tribune des jeunes compositeurs de l’Unesco (Attrition pour octuor à cordes) et lui a valu l’Octave des Musiques classiques 2006 et l’Octave de la Musique contemporaine 2016, ainsi que le Magritte de la Musique originale 2018. L’Ensemble Ictus, les solistes de l’Ensemble InterContemporain, Musiques Nouvelles, l’ensemble TM+ (Paris), Gageego (Suède), Spectra (Gand), le Quatuor Danel, le Quatuor MP4, le Belgian National Orchestra, les orchestres de Lille, Liège, Mulhouse… ont joué ses œuvres, qui ont été programmées dans de la plupart des festivals internationaux : Présences (Paris), Ars Musica (Bruxelles), Vilnius, Varsovie, Budapest, Biennale de Venise, Lima…
Back to the sound… pour piano était l’imposé des demi-finales du Concours Reine Elisabeth 2010. Les deux premiers volets de son opéra en trois parties Is this the end? ont été créés à la Monnaie en 2020 et 2022. Ses œuvres ont fait l’objet de sept disques monographiques, sur Fuga Libera, Cypres et Sub Rosa, label pour lequel il a aussi gravé, au piano, des enregistrements de Morton Feldman, Berio, Dallapiccola, Scelsi… Jean-Luc Fafchamps enseigne l’analyse musicale au Conservatoire royal de Mons (Arts²). Il est membre de l’Académie royale de Belgique depuis 2018. Ces dernières années, l’OPRL a interprété la Lettre soufie K(àf) (composée en 2006 et jouée en avril 2008) et la Lettre soufie L(âm) (composée en 2010 et jouée en janvier 2011 et mars 2013).