Un village comme source d’inspiration
Roger Raveel voit le jour le 15 juillet 1921, à Machelen-aan-de-Leie, un village situé non loin de Gand. Qu’il embrasse une carrière d’artiste n’a rien d’étonnant : il voit souvent son père bricoler. « Roger, toi tu me comprends », lui dit-il sur son lit de mort. Ce qui voulait dire qu’il était quelqu’un qui se sent incompris, expliquera Roger Raveel, alors âgé de 81 ans. Outre la créativité, la détermination est aussi un trait de famille chez les Raveel. Ainsi, à une époque où le monde s’internationalise à la vitesse grand V, l’artiste reste fidèle à son village. Il ne quittera jamais Machelen, qui restera l’une de ses grandes sources d’inspiration.
Du béton dans la nature
Pour Raveel, l’art ne doit pas traiter d’événements majeurs ou des grands de ce monde. Tout est digne d’être peint. Son village et son environnement immédiat – sa femme, le jardin, une cafetière – sont des thèmes récurrents de son œuvre. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit insensible au monde qui l’entoure, loin de là. L’homme laisse peu à peu la modernité s’immiscer dans sa peinture. Poteaux et murs en béton contrastent violemment avec sa chère nature. Raveel n’a donc de cesse de plaider en faveur de l’environnement, de la préservation du paysage de la région de la Lys et des cygnes de Bruges. Avec l’art. « Mon arme », comme il se plaît à le dire.
« Tous les jours, quand je quittais la maison pour rejoindre mon ancien atelier aménagé dans l’école du village, je passais devant des jardins où des poulets étaient élevés en liberté. Je les voyais courir derrière des petites bordures en béton, mettant un peu de vie dans ce décor en partie bétonné. Une présence insolite que je ne suis jamais arrivé à saisir dans mes tableaux. [...] »
L’artiste entêté
1948 : l’année de naissance de son œuvre selon Raveel lui-même. Il commence très tôt à représenter la nature le plus fidèlement possible, mais l’expressionnisme flamand lui fait comprendre qu’une autre vision est possible. En 1948, il détruit nombre de ses toiles et reprend tout à zéro. Il développe un style éminemment personnel, un réalisme bien à lui. En gommant des caractéristiques spécifiques d’un paysage ou d’un personnage, il affleure à un réalisme « universel ». Certains lui collent l’étiquette d’artiste de pop art, évoquant même le « David Hockney belge ». Mais l’homme est borné, et il continue à suivre son propre chemin.
« [...] Une présence insolite que je ne suis jamais arrivé à saisir dans mes tableaux. Ça m’a d’ailleurs donné l’envie d’attraper un de ces poulets pour l’intégrer dans mes toiles. »
Faire entrer le monde dans sa toile
Peu à peu, Raveel glisse en douce la réalité dans son œuvre. Littéralement. Il explore les limites de la toile en y épinglant des objets. Ce seront d’abord des choses comme des fenêtres et des rideaux. Il y ajoutera ensuite des miroirs, qui font directement entrer dans le tableau le monde extérieur et le spectateur. Et enfin, il pose un geste qui lui permet d’exaucer son souhait de connecter l’art et la vie : il intègre dans son œuvre des animaux vivants, d’abord un pigeon, et plus tard, dans son installation monumentale Het verschrikkelijke mooie leven, deux canaris dans une cage.
Roger Raveel. Une rétrospective. À voir à BOZAR du 18 mars au 21 juillet compris.