Boho Strings with Andreas Scholl and Tamar Halperin
23 Avr.'24
- 20:00
Salle Henry Le Bœuf
- Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
- The Twilight People (1925)
- Giovanni Sollima (1962- )
- Note Sconte I. (2016)
- Johann Johannsson (1969-2018)
- Good Night, Day (2016)
- Philip Glass (1937- )
- Journey to the Underworld (2001)
- John Dowland (1563-1626)
- Come Again, Sweet Love Doth Now Invite (First Book of Songs, 1597)
- Giovanni Sollima (1962- )
- Notte Sconte II. Un Canone (2016)
- Georg Friedrich Handel (1685-1759)
- Empio dir tu sei uit “Giulio Cesare in Egitto” (1724)
- Johann Sebastian Bach (1685-1750)
- Ach bleibe doch uit “Himmelfahrtsoratorium” (1735)
- Giovanni Sollima (1962- )
- Notte Sconte III. Dal Quartetto op.131 di Ludwig van Beethoven Presto (2016)
- John Dowland (1563-1626)
- In Darkness Let Me Dwell (arr. Mitchell McCarthy) (1610)
- Valentin Silvestrov (1937- )
- The Messenger (1996)
- Don McLean (1945- )
- Starry Starry Night (arr. Mitchell McCarthy) (1971)
- Giovanni Sollima (1962- )
- Notte Sconte IV. Leopold Cadenza (2016)
- Joseph Haydn (1732-1809)
- Recollection (1794)
- Giovanni Sollima (1962- )
- Notte Sconte V. Il deserto rosso (2016)
- Billy Joel (1949- )
- Lullaby (Goodnight, My Angel) (arr. Mitchell McCarthy) (1993)
Entre espoir et désespoir
Lorsqu'Orphée plonge dans le royaume des ombres pour retrouver Eurydice, son amante soudainement décédée, il se retrouve dans une zone intermédiaire. Sur les traces de l’inconnu, il n'a que sa lyre pour compagnie. Heureusement, car c'est justement cette musique qui persuade Hadès, le roi des enfers, de donner à Eurydice une nouvelle chance de vivre. Cette histoire d'amour mythologique a incité d'innombrables artistes et compositeurs à réfléchir sur la mort. Plus qu'à une réflexion, Boho Strings appelle à une conversation. Non seulement sur la mort et le suicide, mais surtout sur sa prévention. En 2020, Peter De Prins, membre du conseil d'administration, s'est ôté la vie. Sous la bannière Be a He(a)ro, des concerts commémoratifs et des tables rondes ont suivi. Le contre-ténor Andreas Scholl et la pianiste Tamar Halperin ont participé à cet engagement émotionnel dès le début. Le message de ce concert ? Tout le monde peut être un héros en écoutant.
Le mythe d'Orphée et la mort sous toutes ses facettes forment le fil rouge de ce programme éclectique, des anciennes supplications de John Dowland à la méditation contemporaine de Johann Jóhannsson. Le compositeur islandais Jóhannsson, décédé en 2018, a été décrit par The Guardian comme « le très regretté compositeur qui a sublimé la perte » grâce à sa musique (de film) minimaliste. La perte et le déclin étaient des thèmes récurrents dans son œuvre, comme dans Good Night, Day de son dixième album studio Orphée, basé sur le film éponyme de Jean Cocteau. Les cordes graves s'ouvrent sur un avertissement répétitif, après quoi un violoncelle solo a le plus haut, mais aussi le dernier mot. Philip Glass s'est inspiré du même film pour son opéra Orphée. Vous pouvez ainsi entendre Journey to the Underworld dans une transcription pour piano où les pas d'une walking bass sont interrompus par d'inquiétants accords incisifs.
Heurtebise : « Vous connaissez la mort ? »
Orphée : « J’en parlais, j’en rêvais, je la cherchais. Je croyais la connaître. Je ne la connaissais pas. »
Jean Cocteau, Orphée (1950)
La zone de transition entre la vie et ce qui lui succède, entre le jour et la nuit, entre la fin et le recommencement, a empêché d'autres compositeurs de dormir. Ralph Vaughan Williams a écrit la mélodie Twilight People sur un poème de Seamus O'Sullivan. Le titre fait référence aux voix que le protagoniste entend dans le bruissement des feuilles à la tombée de la nuit. Ces voix sont celles de personnes décédées qui n'ont pas encore atteint l'autre rive et font soupirer le chanteur d'angoisse. Quelques siècles plus tôt, Jean-Sébastien Bach avait couché sur papier son Himmelfahrtsoratorium. Lors de l'Ascension, Jésus monte définitivement au ciel, laissant ses apôtres accablés. L'aria Ach bleibe doch est une supplique à Jésus pour qu'il reste, ou une demande de prolongation de sa vie. Les pauses dans l'accompagnement de basse continue suggèrent le vide laissé par son départ.
La musique peut également être un moyen de se souvenir. L'Ukrainien Valentin Silvestrov a écrit la réconfortante pièce The Messenger pour cordes et piano après la mort soudaine de sa femme. Le messager de l'au-delà apporte rarement de bonnes nouvelles. L'Italien Giovanni Sollima le sait aussi : dans Note Sconte (« notes cachées »), il commémore son compatriote et violoncelliste Franco Rossi. La suite en cinq mouvements pour violoncelle a été arrangée pour orchestre à cordes et constitue le liant entre les autres œuvres de ce programme. Dans le lied anglais Recollection, Joseph Haydn et la poétesse Anna Hunter se demandent si le départ d'un être cher est définitif. Entre les lignes, nous lisons qu'une fois de plus, la mort en est la cause.
Nous terminons sur une note d'espoir grâce à deux grands auteurs-compositeurs-interprètes américains : Don McLean et Billy Joel, auxquels Mitchell McCarthy donne un nouveau visage dans des arrangements pour orchestre à cordes. « Le jour où la musique est morte » sont des mots légendaires que McLean a popularisés pour en faire une phrase clé qui revient à chaque fois qu'un héros musical meurt. Starry, Starry Night évoque Vincent Van Gogh qui, malgré le merveilleux ciel étoilé au-dessus de lui, immortalisé dans son tableau La Nuit étoilée, ne voyant plus que l'obscurité entre les points lumineux, se tira un coup de revolver en 1890. Billy Joel a écrit la berceuse Lullabye (Goodnight, My Angel) pour sa fille afin de la rassurer : « Someday we'll all be gone. But lullabies go on and on. They never die. That's how you and I will be. ». Tout ira bien. « Entre l’espoir et le désespoir, la lumière brille dans l'obscurité » (Brihang, 2023).
Guillaume De Grieve
John Dowland – Come again
Come again
Sweet love doth now invite,
Thy graces that refrain,
To do me due delight,
To see, to hear, to touch, to kiss, to die,
With thee again in sweetest sympathy.
Come again
That I may cease to mourn,
Through thy unkind disdain:
For now left and forlorn,
I sit, I sigh, I weep, I faint, I die,
In deadly pain and endless misery.
Gentle Love,
Draw forth thy wounding dart,
Thou canst not pierce her heart,
For I that to approve,
By sighs and tears more hot than are thy shafts,
Did tempt, while she for mighty triumph laughs.
Handel - Empio, dirò, tu sei
Empio, dirò, tu sei,
togliti a gli occhi miei,
sei tutto crudeltà.
Non è da re quel cuor,
che donasi al rigor,
che in sen non ha pietà.
J.S. Bach - Ach, bleibe doch
Ach, bleibe doch, mein liebstes Leben,
Ach, fliehe nicht so bald von mir!
Dein Abschied und dein frühes Scheiden
Bringt mir das allergrößte Leiden,
Ach ja, so bleibe doch noch hier;
Sonst werd ich ganz von Schmerz umgeben.
John Dowland - In darkness let me dwell
In darkness let me dwell, the ground shall sorrow be,
The roof despair to bar all cheerful light from me,
The walls of marble black that moistened still shall weep,
My music hellish jarring sounds to banish friendly sleep:
Thus wedded to my woes, and bedded to my tomb
O, let me living die, till death do come.
Don McLean - Vincent (Starry, starry night)
Starry, starry night
Paint your palette blue and gray
Look out on a summer's day
With eyes that know the darkness in my soul
Shadows on the hills
Sketch the trees and the daffodils
Catch the breeze and the winter chills
In colors on the snowy, linen land
Now, I understand what you tried to say to me
And how you suffered for your sanity
And how you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they'll listen now
Starry, starry night
Flaming flowers that brightly blaze
Swirling clouds in violet haze
Reflect in Vincent's eyes of china blue
Colors changing hue
Morning fields of amber grain
Weathered faces lined in pain
Are soothed beneath the artist's loving hand
Now, I understand, what you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they did not know how
Perhaps they'll listen now
For they could not love you
But still your love was true
And when no hope was left inside
On that starry, starry night
You took your life as lovers often do
But I could have told you, Vincent
This world was never meant for one
As beautiful as you
Starry, starry night
Portraits hung in empty halls
Frameless heads on nameless walls
With eyes that watch the world and can't forget
Like the strangers that you've met
The ragged men in ragged clothes
The silver thorn of bloody rose
Lie crushed and broken on the virgin snow
Now, I think I know what you tried to say to me
How you suffered for your sanity
How you tried to set them free
They would not listen, they're not listening still
Perhaps they never will
Haydn - Recollection
The season comes when first we met,
But you return no more.
Why cannot I the days forget,
Which time can ne'er restore?
O days too fair, too bright to last,
Are you indeed forever past?
The fleeting shadows of delight
In memory I trace;
In fancy stop their rapid flight
And all the past replace.
But ah! I wake to endless woes,
And tears the fading visions close.
Billy Joel - Lullaby (Goodnight My Angel)
Goodnight my angel, time to close your eyes
And save these questions for another day
I think I know what you've been asking me
I think you know what I've been trying to say
I promised I would never leave you
Then you should always know
Wherever you may go, no matter where you are
I never will be far away
Goodnight my angel, now it's time to sleep
And still so many things I want to say
Remember all the songs you sang for me
When we went sailing on an emerald bay
And like a boat out on the ocean
I'm rocking you to sleep
The water's dark and deep, inside this ancient heart
You'll always be a part of me
Goodnight my angel, now it's time to dream
And dream how wonderful your life will be
Someday your child may cry, and if you sing this lullaby
Then in your heart there will always be a part of me
Someday we'll all be gone
But lullabies go on and on
They never die
That's how you and I will be
Boho Strings
Né en 2015, Boho Strings est le fruit d’une idée du chef d'orchestre David Ramael et de la violoniste Jessica Tortorice de jeter un regard neuf sur le concept traditionnel d'un orchestre à cordes. Les musiciens mettent l'accent sur la narration musicale d’histoires. Des histoires portant sur des questions sociales dans lesquelles les gens sont l’élément central. Très vite, Boho Strings a acquis une excellente réputation. Avec des projets tels que La Captive, D-Radicalize!, Urban Renaissance et In Deep Silence, ils se produisent régulièrement sur de grandes scènes en Flandre et à l'étranger. En 2018, ils ont sorti leur premier CD Nostalgia, consacré à la musique de Wim Henderickx.
Il n'est donc pas surprenant qu'ils aient choisi de s'installer dans le quartier anversois de Borgerhout. Borgerhout présente une incroyable diversité d'origines et de nationalités. Dans un tel endroit, de nombreuses histoires remontent à la surface et de nouvelles s'y ajoutent chaque jour. D'où le nom de Boho Strings.
Boho Strings représente bien plus que de simples concerts. Par exemple, l'ensemble est l'un des inspirateurs du projet Be A He(a)ro, qui vise à donner au bien-être mental, au leadership attentif et à la prévention du suicide une place importante au sein des entreprises, des organisations sociales et des écoles par le biais d'ateliers. Les musiciens ont également participé récemment au documentaire Vibrato. Living with Parkinson's de la VRT, dans lequel ils réalisent le rêve de Yolanda, une patiente atteinte de la maladie de Parkinson, de pouvoir un jour diriger un orchestre.
David Ramael
direction musicale
David Ramael est l'incarnation même du chef d'orchestre moderne : entreprenant, communicatif, innovant. Il lui tient à cœur d'être le plus proche possible de son public. C'est pourquoi il organise régulièrement des répétitions publiques, donne des explications avant et pendant les concerts et est toujours prêt à rencontrer son public à l'issue de ceux-ci. Ramael a étudié au Conservatoire royal de Bruxelles, à l'Université libre de Bruxelles, à l’Université de Vienne et à l'Université du Minnesota. Ses choix musicaux sont principalement motivés par un fort engagement social. Il souhaite ainsi montrer que la musique classique joue toujours un rôle important dans notre société. Une vision inspirée et sincère.
Ramael est régulièrement invité à diriger des orchestres en Belgique et à l'étranger. En Belgique, il dirige régulièrement le Belgian National Orchestra, l'Orchestre philharmonique royal de Liège et l'Orchestre symphonique d'Anvers. Il est également régulièrement invité par le Zomeropera Alden Biesen. Ramael vit avec sa femme à Borgerhout. Pendant leur temps libre, ils aiment faire de la voile et des randonnées dans la nature avec Tor et Miss Moneypenny, leurs Staffords américains.
Andreas Scholl
contre-ténor
Andreas Scholl est né en Allemagne et a reçu sa première formation musicale au sein du chœur Kiedricher Chorbuben. Il a ensuite étudié avec Richard Levitt et René Jacobs à la Schola Cantorum Basiliensis. Il a remporté de nombreux prix, dont le prestigieux ECHO Award pour sa composition pour le livre audio de Deutsche Grammophon consacré aux œuvres Les Habits neufs de l'empereur et Le Rossignol de Hans Christian Andersen.
Andreas a publié une série d'enregistrements solo remarquables : le plus récent est Wanderer, un album de lieder allemands en collaboration avec la pianiste Tamar Halperin. Parmi ses autres enregistrements notables figurent des cantates de Bach avec le Kammerorchester Basel, O Solitude, un album de musique de Purcell avec l'Accademia Bizantina qui a remporté le prix BBC Music Magazine en 2012, Arias for Senesino, Heroes, avec des arias de Haendel, Mozart, Hasse et Gluck, A Musical Banquet de Robert Dowland, des motets de Vivaldi avec l'Australian Brandenburg Orchestra, et Arcadia, une collection de cantates rares et inédites de compositeurs du cercle des Arcadiens de Rome. Tous ces enregistrements ont été publiés chez Decca.
Andreas a également enregistré Solomon and Saul de Haendel avec Paul McCreesh pour Deutsche Gramophon et Stabat Mater de Vivaldi, Maddalena ai piedi di Cristo de Caldara et Crystal Tears de John Dowland pour Harmonia Mundi. Les DVD d'Andreas comprennent des productions de Giulio Cesare (à la fois pour Decca et Harmonia Mundi), Rodelinda (Warner) et Partenope (Decca).
Parmi ses rôles à l'opéra, citons le rôle-titre de Giulio Cesare au Théâtre des Champs-Élysées et au Festival de Salzbourg 2012 (face à Cecilia Bartoli) et Bertarido (Rodelinda) au Glyndebourne Festival Opera et au Metropolitan Opera (face à Renée Fleming). Il s'est notamment produit avec le Berliner Philharmoniker, le New York Philharmonic, le Royal Concertgebouw Orchestra, le Boston Symphony Orchestra, la Dresdner Philharmonie, l'Akademie für Alte Musik Berlin, le Freiburger Barockorchester, l'Academy of Ancient Music et a été le premier contre-ténor à monter sur la scène de la Last Night of the Proms en 2005.
Tamar Halperin
piano
Née en 1976 à Tel Aviv, la pianiste israélienne Tamar Halperin a choisi la musique baroque comme principale flèche de son arc créatif. Elle a étudié à l'université de Tel Aviv, à la Schola Cantorum Basiliensis et à la Julliard School of Music de New York. En 2004, elle a remporté le prix d'honneur du festival Musica Antiqua de Bruges. Outre le baroque, elle s'intéresse également à la musique contemporaine et au jazz, jouant de l'orgue Hammond et du piano Wurlitzer, que l'on peut entendre sur l'album profondément singulier Satie. En 2016, elle et son mari Scholl ont reçu le Hessischer Kulturpreis pour leur travail novateur.