J.S. Bach - Die Kunst der Fuge
25 Fév.'24
- 19:00
Salle M
Johann Sebastian Bach
1685-1750
Die Kunst der Fuge, BWV 1080
- Contrapunctus I
- Contrapunctus II
- Contrapunctus XIIIa
- Contrapunctus IV
- Contrapunctus XVI
- Contrapunctus V
- Contrapunctus XVIII
- Contrapunctus XIVa
- Contrapunctus XIIa
Wenn wir in höchsten Nöthen sein, BWV 641
- Contrapunctus XV
- Contrapunctus XI
Concert sans pause
Durée : +/- 75'
L'Énigme de Bach
L’Art de la fugue est l'une des dernières œuvres musicales restées sur la table de travail de Johann Sebastian Bach après sa mort. Il composa ce recueil de fugues et de canons au cours de la dernière décennie de sa vie et en prépara une première version destinée à être imprimée, alors que la fugue finale était encore inachevée. La mélodie s'arrête brusquement au milieu de la dernière page. Le thème principal, sur lequel toutes les fugues précédentes sont construites, n'y apparaît même pas. Ce qui se dévoile à la fin, c'est le motif de BACH, composé des notes si bémol, la, do, si (appelé H en allemand). C'est la dernière signature musicale du cantor de Saint-Thomas. Comme si sa plume était tombée là. Pourtant, Bach signa d'autres œuvres après celle-ci. La publication ouverte et posthume de 1751 devint le terreau de mystères s’étant répandus comme des branches de plus en plus éloignées du tronc.
Durant les décennies qui suivirent la mort de Bach, L’Art de la fugue devint une œuvre pour clavier très appréciée et considérée comme le point culminant de la composition contrapuntique. D'autres, en revanche, considéraient le volume comme un exemple purement théorique. Pour les deux camps, l'ingéniosité de Bach réside dans le traitement du thème principal. Celui-ci est diminué, renversé, augmenté, divisé, tandis que les quatre voix se répondent et s'anticipent en toute indépendance. La mélodie d'à peine 12 notes n'est pas seulement un thème de base, mais le fondement de toute l'œuvre. Le motif, simple mais énigmatique, prend différentes formes présentant leur propre charge émotionnelle. Pourtant, chaque fugue est dans la même tonalité de ré mineur, une tonalité sérieuse – parfois dramatiques – comme dans la Sixième Suite anglaise de Bach. Que le titre soit le fruit de l’imagination de Bach ou de son gendre, l’œuvre est un véritable joyau de la composition fugale. La question suivante est de savoir comment interpréter ce joyau ?
Comme Le Clavier bien tempéré et les Variations Goldberg, ce cycle est interprété principalement au piano, bien que Bach n'ait jamais indiqué qu'il était destiné à un instrument à clavier. Il nous reste une partition à quatre voix réparties sur quatre portées. Cette notation polyphonique était courante pour les compositions pour clavier à partir du début du XVIIe siècle et met en valeur la technicité des quatorze fugues et canons, mais ces quatre voix peuvent tout à fait être remplacées par un autre instrument : quatre violes de gambe, par exemple. Un instrument à cordes que Bach connaissait bien, comme le prouvent ses trois Sonates pour viole de gambe et clavecin. Et c'est précisément avec l’instrument de prédilection de Romina Lischka et du Hathor Consort pour mener un dialogue entre les cultures, les styles musicaux et les disciplines ou, dans le cas de L’Art de la fugue, entre la musique et la danse.
Guillaume De Grieve
« Il n'y a pas de réponse claire sur "la" façon d'interpréter Bach. »
Le Hathor Consort réfute passionnément l’idée selon laquelle l’Art de la fugue appartient à un passé inachevé. Lors de leur concert de ce dimanche 25 février, ils répondent à certaines questions restant aujourd'hui irrésolues. Depuis plus d'une décennie, le Hathor Consort construit un parcours artistique entrecroisé de nombreuses collaborations. Leur premier projet Lachrimae avec Femke Gyselinck se situait au carrefour entre la danse contemporaine et les chansons du 17e siècle de John Dowland. Aujourd'hui, un nouveau projet de danse vient s'ajouter : L’Art de la fugue de Bach. Ce « jalon du contrepoint » illustre l'universalité de Bach, au-delà des genres, explique la gambiste Romina Lischka. Avec les danseurs Jason Respilieux et Frank Gizycki, elle explique :
L’Art de la fugue est considéré par certains comme une œuvre théorique. Malgré ces opinions, quelle stratification émotionnelle trouves-tu dans l'œuvre ?
Lischka : Au début, je me demandais ce qu'il était possible de faire avec L’Art de la fugue, une œuvre si universelle, si parfaite, si proche du nombre d'or. Grâce à l'ajout de la danse, la couche émotionnelle devient plus claire dans la musique. Je vois mieux ce que j'entends et ce que je ressens. Je trouve cela très spirituel. Logiquement, la spiritualité devait être très présente autour de l'œuvre de Bach à l'époque.
Parlons de certains des mystères qui entourent L’Art de la fugue. Vous ne jouerez pas l’œuvre sur un instrument à clavier, mais avec un ensemble de quatre violes de gambe. A-t-il été facile de l’arranger pour cette formation ?
Lischka : Il n’est pas nécessaire de l'arranger. Nous jouons simplement ce qui est écrit. Mais comme il s'agit de Bach, rien n'est jamais facile. Il faut travailler. Certaines parties sont idiomatiques pour l'instrument, d'autres non. Et même si l'écriture est naturelle pour l'instrument, il faut se souvenir de l'aspect « musique de chambre » : comment dire la même chose ? Quel message voulons-nous transmettre ? Comment relier les lignes musicales entre elles ? C’est une musique qui présente une certaine complexité. Mais en travaillant dur, on finit par arriver dans une sphère où il se passe des choses extraordinaires !
Lorsque l’on interprète Bach, il existe toujours tellement de possibilités, selon les sources. En ce qui concerne les techniques d’archet, par exemple. Mais parfois, le processus d'examen des possibilités est plus important que la décision finale. Bach sonne toujours bien, quelle que soit la manière dont vous le jouez. Sa musique est tellement bien écrite. Il n'y a pas de réponse claire sur « la » façon d'interpréter Bach.
L'une des possibilités consiste à jouer avec l'ordre des fugues. Quelle chronologie suivrez-vous ?
Lischka : Nous avons modifié l'ordre « habituel » pour rendre l’œuvre, disons, un peu plus légère. Il n'y a plus d'augmentation de la complexité, allant des fugues simples aux canons, mais une alternance. Il s'agit donc d'un choix plus émotionnel. Je tenais à ce qu'il y ait plus « d'air » dans l'œuvre.
Et qu'en est-il de la dernière fugue « inachevée » ?
Lischka : Nous ne jouerons pas l'œuvre complète. Nous laissons l'œuvre inachevée et n'essayons pas de la compléter nous-mêmes. Encore une fois, ce n'est qu'un choix parmi les possibilités qui s’offraient à nous.
L’Art de la fugue est une pièce très structurée autour d’un motif de base décliné de multiples façons. Comment abordez-vous cette pièce en tant que chorégraphe ? La structure de la composition vous sert-elle de point de départ ?
Respilieux : Nous ne transformons pas un motif au sens propre, mais nous utilisons la transformation comme un principe dans la manière dont nous nous rapportons à notre matériel, comme un principe avec lequel nous jouons. Notre approche est beaucoup plus basée sur l'improvisation. Nous ne voulions pas utiliser la structure de la musique ou appliquer une rigueur mathématique. Nous voulions créer un contraste, éclairer ces structures musicales en mettant à nu une ligne émotionnelle et créer un contrepoint à la musique, pas un parallèle.
La notion de contrepoint a donc aussi été conçue comme un terme de danse ?
Respilieux : Nous avons déjà travaillé sur la musique de Bach avec d'autres compagnies, dans un style très spécifique, beaucoup plus mathématique, beaucoup plus contrapuntique, de manière très stricte. Ici, c'est moins strict. Le contrepoint est davantage considéré comme une dramaturgie en soi.
Gizycki : Le contrepoint d'une chose par rapport à une autre. Et comment, à l'intérieur de cela, il y a une tension ou non, et comment cela façonne l'un ou l'autre.
Respilieux : La danse n'est évidemment pas le même moyen d’expression que la musique, et la question était donc de savoir comment la danse peut intensifier l’expérience de cette musique. L'objectif était de faire en sorte qu'il s'agisse toujours bien d'un concert. Nous ne voulions pas que la danse impose une certaine interprétation de l'œuvre.
Comment cela s'est-il passé concrètement ?
Lischka : Jason et Frank me montraient toujours leur travail en cours. Puis nous en parlions. La conversation portait sur ma perception de certaines choses qui, selon moi, renforçaient la perception globale de la musique.
Respilieux : Exactement : Qu'entends-tu ? Que ressens-tu ?
Gizycki : Je me souviens de Romina disant : « Je vois Jason jouer avec plus de verticalité et de fluidité, tandis que Frank est plus ancré et pragmatique avec les mains. Qu'est-ce que ça veut dire ? »
Lischka : Nous avons parlé de la possibilité du sujet et du contre-sujet. Mais finalement, cela s'est aussi transformé en une question plus universelle sur l'humanité et Dieu et sur la façon dont les deux sont représentés. Les conversations ont donc porté sur le caractère de la musique.
Respilieux : C'était comme un flux d'informations, d'interprétations différentes, ou de manières différentes de se rapporter à cette musique. Et ces discussions servaient vraiment de nourriture pour continuer à creuser et comprendre ce que sont ces sentiments. On a beaucoup parlé de visions du monde. J'ai l'intime conviction que trois cerveaux et trois corps se sont fondus en un seul pour créer ce spectacle. Il se situe entre les visions que nous avons de cette musique.
Quelle serait votre vision de cette pièce ? Bach ne cesse d'inspirer des chorégraphies. Comment la musique vous affecte-t-elle ?
Gizycki : Nous y avons réfléchi ensemble. Et nous avons senti que le matériau nous rapprochait d'une manière différente de celle dont nous avions l'habitude de collaborer. La question de l'homme et de Dieu est en quelque sorte née de la question de l'intimité. Qu'est-ce que l'intimité ? Nous avons été très sensibles à une citation que nous avons lue ensemble dans un essai de François Jullien. Il dit que ce qui est le plus intérieur, ce qui est le plus profond en vous, appelle en fait depuis ce qui est le plus extérieur. On peut être intime avec soi-même, mais on peut l'être encore plus avec quelqu'un d'autre. On a besoin de l'autre pour pouvoir révéler ce qui est le plus intime. D'une certaine manière, la notion selon laquelle quelque chose de très proche de nous est également connecté à l'infini, a vraiment fait écho à la musique.
Il n'y a qu'avec Bach qu'une histoire universelle semble aussi intime. De plus, les mystères qui entourent L’Art de la fugue permettent une pléthore de choix personnels. Romina Lischka, Jason Respilieux et Frank Gizycki n'ont manifestement pas manqué cette occasion. À vous d’en profiter.
Entretien par Guillaume de Grieve en Cedric Feys
(traduit par Judith Hoorens)
Hathor Consort
Le Hathor Consort explore la musique pour consort de la Renaissance et du baroque, usant de diverses combinaisons instrumentales réunies autour d’un noyau central composé de violes de gambes. L’ensemble doit son nom à la déesse Hathor, divinité féminine de l’Égypte ancienne. L’ensemble explore également de nouvelles voies d’expression, interculturelles et multidisciplinaires, dans lesquelles ce répertoire de chambre européen se lie à la musique ancienne d’autres continents ainsi qu’à la musique contemporaine, aux musiques du monde et à la danse, sous des formes concertantes. La polyphonie instrumentale du consort de violes requiert une compréhension vocale, acquise par le Hathor Consort entre autres lors de collaborations régulières avec des solistes et ensembles vocaux que l’ensemble Pluto (Marnix De Cat) ou le Collegium Vocale Gent (Philippe Herreweghe).
Romina Lischka
Direction artistique et viole de gambe
Musicienne née à Vienne, Romina Lischka a étudié la viole de gambe avec Jorge Daniel Valencia et suivi des masterclasses auprès de Wieland Kuijken et Jordi Savall. Elle a poursuivi ses études à la Schola Cantorum Basiliensis avec paolo Pandolfo et s’est perfectionnée auprès de Philippe Pierlot au Conservatoire de Bruxelles. Elle se produit en soliste et continuiste avec des ensembles tel que le Ricercar Consort, le Collegium Vocale Gent, Gli Angeli Genève, il Gardellino, Zefiro Torna, B’Rock, Capilla Flamenca, etc. En 2012, elle a fondé le Hathor Consort, dédié à l’exporation de la musique de la Renaissance et du baroque. Ella a également nourri son intérêt pour la musique classique de l’Inde du Nord (dhrupad) durant ses études de chant au Conservatoire de Rotterdam ainsi qu’à Delhi et Pune auprès d’Ustad Fariduddin Dagar et uday Bhawalkar.
Jason Respilieux
Danse
Jason Respilieux, né à Bruxelles, a étudié à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, à Codarts à Rotterdam et a été diplômé de P.A.R.T.S. en 2014. Jason a collaboré et dansé pour plusieurs chorégraphes, notamment Salva Sanchis (Islands, A Love Supreme), Ted Stoffer, Claire Croizé (Evol), Anne Teresa De Keersmaeker (A Love Supreme, The Six Brandenburg Concertos, The Dark Red Research Project). Parallèlement, il est professeur de danse, conseiller pour des spectacles et mentor pour des étudiants. Respilieux crée également ses propres œuvres. Il explore le corps en mouvement dans la pluridisciplinarité et collabore donc avec des artistes d'autres domaines artistiques (cinéastes, compositeurs, autres chorégraphes).
Frank Gizycki
Danse
Après des études scientifiques, Frank Gizycki (France, 1993) complète sa formation en danse au C.N.S.M.D. (Lyon), avant d'étudier à P.A.R.T.S. (Bruxelles), où il obtient son diplôme en 2016. Il rejoint Anne Teresa De Keersmaeker et Rosas pour la reprise de Rain et l'exposition chorégraphique Work/Travail/Arbeid. Depuis, il travaille régulièrement avec Rosas sur Zeitigung, Achterland et Bartók/Beethoven/Schönberg. Il a participé à la création des Six Brandenburg Concertos, des projets muséaux Dark Red et des Mystery Sonatas / For Rosas. Parallèlement, Gizycki donne des ateliers à de jeunes danseurs.
Credits
Rose Alenne: costumes
Eva Honings: images
Avec le soutien de CC De Markten, GC Op-Weule, P.A.R.T.S., Centre Chorégraphique le Chantier Albi, ADDA Tarn.
Lieu de résidence: Voetvolk Rubigny, CC de Markten
Bozar Maecenas
Prince et Princesse de Chimay • Barones Michèle Galle-Sioen • Monsieur et Madame Laurent Legein • Madame Heike Müller • Monsieur et Madame Dominique Peninon • Monsieur et Madame Antoine Winckler • Chevalier Godefroid de Wouters d'Oplinter
Bozar Honorary Patrons
Comte Etienne Davignon • Madame Léo Goldschmidt
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