‘Barbet Schroeder’

2017-2018

Trilogie du mal

BOZAR accueille le réalisateur franco-suisse Barbet Schroeder à l’occasion de la projection de sa Trilogie du mal dont l’ultime volet est présenté en première belge.

Si son nom ne vous est peut-être pas tout à fait familier, ses films, eux, le sont assurément. Barfly (1987), le sulfureux Mystère von Bülow (1990) ou le haletant J.F. partagerait appartement (1992)  figurent parmi les chefs-d’œuvre réalisés par Barbet Schroeder. Le cinéaste, qui est sans aucun doute l’un des metteurs en scène les plus doués de sa génération, a en effet signé plusieurs films inoubliables interprétés par des acteurs de premier plan tels que Faye Dunaway et Mickey Rourke, Glenn Close et Jeremy Irons ou Bridget Fonda et Jennifer Jason Leigh. Nul doute que leur jeu éblouissant, éclairant des personnages marquants et des intrigues finement nouées, doit beaucoup au talent de directeur d’acteurs de Barbet Schroeder, véritable charmeur de serpents, capable de tirer de ses comédiens le meilleur d’eux-mêmes. Il faut dire que son parcours atypique n’a cessé d’alimenter sa faculté exceptionnelle de sonder l’âme humaine, de la pister et d’aller la déloger de ses recoins les plus reculés, les plus obscurs, aussi. Mais sans jamais présager de sa duplicité, sans jamais préjuger de ses faiblesses. Il la montre telle qu’elle se donne à voir. Brute et entière.

Son itinéraire le porte à embrasser les paradoxes, les contradictions, les errements qui font la complexité, souvent énigmatique, de la condition humaine. Né en 1941 à Téhéran, il passe son enfance en Colombie avec une mère allemande et un père suisse. Quand il arrive à Paris et qu’il découvre le cinéma, il hante les salles de la Cinémathèque d’Henri Langlois. Alors que tout le prédisposait à s’inscrire dans la Nouvelle Vague (ayant fondé en 1962 Les Films du Losange, il produira de nombreux films de Rivette et de Rohmer), il suit pourtant un chemin distinct qui le mène aux quatre coins du monde avant de poser ses valises aux États-Unis, où il fait entre autre la connaissance du célèbre écrivain Charles Bukowski. Des longs entretiens qu’il recueillera pour son documentaire les Bukowski Tapes au très hollywoodien Desperate Measures, Barbet Schroeder se fait un nom outre-Atlantique, continuant à collaborer avec des acteurs prestigieux, comme Andy Garcia ou Nicolas Cage.

Loin de chercher à exploiter la veine californienne, il se tourne ensuite vers les cartels colombiens en plantant sa caméra à Medellín pour mieux se saisir de l’ombre du narcotrafiquant Pablo Escobar (La Virgen de los sicarios). Depuis les années 2000, il propose un cinéma très personnel et enchaîne les films sur tous les continents, du documentaire sur le plus redoutable des tribuniciens du Barreau, Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur, 2007) à des fictions épurées comme Amnesia (avec Marthe Keller). Il apparaît également à différents moment de sa carrière dans des œuvres signées par Tim Burton, Patrice Chereau ou Éric Rohmer.

Coutumier des honneurs, ses œuvres ayant été citées aux Oscars, aux Césars ou à Cannes, Barbet Schroeder échappe pourtant aux limites de la convenance, du ronronnement médiatique et des chemins balisés. Il est au contraire un homme à l’esprit audacieux qui n’hésite pas à s’aventurer aux confins de notre système de valeurs civilisationnelles. Il s’y attarde en particulier dans sa Trilogie du mal, que nous projetterons en sa présence. Trois documentaires autour de trois figures incarnant ce mal qu’il s’emploie à circonscrire : Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974), consacré au dictateur ougandais, L’Avocat de la terreur, dressant à travers le portrait de Vergès celui des accusés qu’il défend (terroristes, nazi...) et Le Vénérable W. (2017), qui essaie de comprendre la violence antimusulmane dans un pays bouddhiste à 90%, donc pratiquant un mode de vie tolérant.

Venez découvrir cet esprit libre et affranchi des lieux communs. Il nous tend un miroir défardé dans lequel nous nous refusons si souvent à percevoir le reflet de nos lâchetés et de nos travers. Il ne tient qu’à vous de vous en saisir à votre tour.